Zaniar et Salah habitent Sanandadj, capitale du Kurdistan iranien. Ils ont décidé de partir en long week-end dans les montagnes kurdes.
Après une licence d'ingénieur à Tabriz et un master en tourisme en Europe, Zaniar peine à trouver un emploi. Il croit au potentiel touristique de la région et pense devenir guide.
A quelques dizaines de kilomètres de Sanandadj, les reliefs sont encore doux et facilitent les cultures céréalières.
En s'approchant de la frontière irakienne, les reliefs sont plus rudes et les terres alternent entre aridité et cultures en terrasse.
Dans les montagnes, les villes sont rares. La ville de Paveh bénéficie de l'exode rural et voit sa population augmenter.
Raman est résigné. "Le Kurdistan est pauvre et nous vivons tous dans des conditions misérables". Il n'hésite pas à fustiger, comme beaucoup ici, le régime iranien. "Néanmoins nous restons droits, fiers et dignes".
Rafhat, 92 ans est propriétaire de plusieurs hectares de terrain qui servent à récolter la grenade. Dans cette exploitation familiale, tout le monde l'appelle affectueusement "Bavagora", le "grand-père" en kurde.
Comme un trésor, la grenade est cueillie minutieusement, puis vendue entière, en jus ou en pâte.
Shala, petite-fille de Rafhat, travaille dans l'exploitation familiale depuis son enfance. Son mari est kolbar.
Populaire au Moyen-Orient et en Asie Centrale, la culture de la grenade joue un rôle important dans l'économie iranienne, et a fortiori kurde.
Shaib, ingénieur de formation et petit-fils de Rafhat, n'a pas trouvé d'emploi dans son domaine d'étude. Diplômé de l'Université de Tabriz, il est revenu travailler dans l'exploitation familiale. Il rêve de richesse et se demande s'il ne devrait pas plutôt devenir kolbar.
Nouraldin est fier de cultiver la grenade et de contribuer à ce qui fait la richesse de la famille.
Même si le métier est difficile, Nouraldin ne souhaite pour rien au monde devenir kolbar. "Je préfère me tuer à ramasser des grenades que de me faire tirer dessus par des gardes-frontière."
De plus en plus de jeunes, diplômés universitaires comme adolescents, délaissent les grenades pour devenir kolbar.
La grenade se récolte à la main, à l'aide d'un bâton crocheté. Elle s'effectue au mois d'octobre, lorsque les grenades commencent à prendre une teinte jaune.
Les cols sont rudes et inhospitaliers. Ils n'empêchent aucunement les kolbars de traverser ces chaînes à pied, parfois aidés de chevaux.
Un groupe de kolbars arrive exténué d'une longue marche clandestine. En 2018, plus de 200 kolbars ont été tués ou sérieusement blessés par les autorités iraniennes, selon les sources kurdes.
Zal, kolbar depuis 10 ans, revient d'Irak à la suite d'une marche de deux jours dans les montagnes. Fatigué et diminué, il garde le sourire : "le voyage s'est bien déroulé. Ni moi, ni le cheval avons été blessé". Il tirera de cette épopée une vingtaine d'euros.
Talan attend fébrilement de récupérer son cheval. Une autre voiture attend la cargaison de Zal, fraichement livrée d'Irak.
Une antique Peykan attend sa cargaison. Sur cette route stratégique, beaucoup de véhicules fantôme patientent au bord des précipices.
Les derniers paquets sont entassés à l'arrière des pick-ups des kasibkars (les intermédiaires) en direction de Sanandadj et des villages alentours.
Rajan est stressé. Il n'a toujours pas rempli le coffre de sa 405 et ne voit aucun kolbar arriver.
Depuis la guerre entre l'Iran et l'Irak, la frontière entre les deux pays est un axe très sensible pour le régime de Téhéran, ce qui rend le travail des passeurs d'autant plus difficile.
Les checkpoints de l'armée iranienne sont nombreux sur cette route qui longe la frontière. Les kolbars doivent ainsi trouver de nouveaux passages afin de passer entre les mailles des filets des autorités.
Les virages serrés et les précipices menaçants n'effraient pas les kasibkars. Une marchandise rapidement livrée permet d'augmenter les cadences et ses gains de manière substantielle.
De jour comme de nuit, les kasibkars dévalent à toute vitesse les routes sinueuses de la région.
"Je préfère conduire de nuit. Il y a moins de monde sur les routes et je peux livrer plus rapidement la marchandise."
Goran et Guilda tiennent une échoppe en bord de route. Ils restent ouvert toute la nuit pour répondre aux besoins des kolbars.
Zebar est propriétaire de soixante chevaux. Tous sont loués aux kolbars afin de faciliter le transit de marchandise.
Rewan travaille dans cette écurie de fortune. L'odeur âpre des déjections macérées est à peine tenable. Pourtant Rewan s'estime heureux de pouvoir travailler ici et se sent bien plus en sécurité qu'en tant que passeur.
Une fois revenus de voyage, les chevaux sont soignés. Ils reviennent presque tous blessés ou malades. Il n'est pas rare que l'un d'entre eux soit abattu par des gardes-frontière zélés.